Pasteur 2030 : comment l’Institut Pasteur veut répondre aux défis de la santé publique dans les 5 prochaines années
Publié le mardi 18 février 2025 à 11h37
RechercheRenforcer son rôle de premier institut au monde dans la recherche sur le vivant, contre les maladies infectieuses et pour la santé des populations : telle est l'ambition fixée par l'Institut Pasteur dans son plan stratégique "Pasteur 2030" dévoilé par sa directrice générale, Yasmine Belkaid, à la fin du mois de janvier 2025.
Le plan stratégique Pasteur 2030, dévoilé par l’Institut Pasteur, définit une feuille de route ambitieuse pour relever les grands défis scientifiques et sanitaires des prochaines années. Face à l’augmentation des maladies infectieuses, à l’antibiorésistance, au vieillissement, aux cancers et aux effets du changement climatique sur la santé, l’institut se positionne comme un leader mondial de la recherche biomédicale.
Un cap stratégique pour accélérer la recherche biomédicale
Avec près de 140 ans d’existence, l’Institut Pasteur est un acteur historique des sciences du vivant et est à l’origine de nombreuses découvertes majeures, comme l’identification du VIH comme cause du sida (1983), ou encore la découverte du bacille de la peste (1894). Aujourd’hui, il entend réaffirmer son rôle de référence scientifique en structurant ses actions autour de trois grands objectifs.
1️⃣ D’abord, approfondir la compréhension des maladies infectieuses et de leur impact sur d’autres pathologies. Cela inclut l’étude des maladies endémiques, l’antibiorésistance, les risques pandémiques accrus par le changement climatique et l’analyse des réponses immunitaires selon l’âge, le sexe et le contexte biologique.
2️⃣ Ensuite, développer des solutions concrètes pour lutter contre ces pathologies. L’Institut Pasteur ambitionne d’accélérer la découverte de vaccins, de traitements et de tests diagnostiques innovants, tout en renforçant la surveillance des pathogènes émergents grâce à son réseau international.
3️⃣ Enfin, diffuser le savoir scientifique et défendre le rôle de la science dans la société. À travers la formation des jeunes chercheurs, la promotion d’une recherche ouverte et une communication active face aux critiques contre la science, Pasteur 2030 entend garantir un accès équitable aux découvertes scientifiques et maintenir la recherche au service du bien commun.
Quatre priorités scientifiques pour structurer la recherche de demain
L’Institut Pasteur a identifié quatre axes prioritaires qui guideront son action au cours des prochaines années.
1️⃣ Menaces infectieuses : une mobilisation renforcée face aux pandémies et à l’antibiorésistance
Les maladies infectieuses restent une cause majeure de mortalité mondiale, avec près de 15 millions de décès par an selon l’OMS. Malgré les avancées en vaccinologie et en traitement antimicrobien, l’émergence de nouvelles pathologies et l’accélération de la résistance aux antibiotiques posent des défis critiques.
L’Institut Pasteur prévoit d’intensifier ses efforts pour comprendre les mécanismes de résistance des microbes, surveiller l’évolution des pathogènes et développer de nouvelles thérapies. Le recours à l’intelligence artificielle et à la biologie computationnelle sera renforcé afin d’analyser les interactions hôte-pathogène et d’identifier plus rapidement des cibles thérapeutiques.
2️⃣ Santé et environnement : comprendre l’impact du climat sur la biologie humaine
Le changement climatique modifie les écosystèmes et favorise l’émergence de nouvelles maladies infectieuses. L’expansion géographique des moustiques vecteurs de maladies (comme Aedes albopictus, porteur du chikungunya et de la dengue) illustre l’impact du réchauffement climatique sur la transmission des pathogènes.
Le plan Pasteur 2030 met l’accent sur la nécessité de mieux comprendre ces interactions entre environnement et santé. Des études approfondies seront menées sur les maladies à transmission vectorielle, les infections émergentes et l’impact de la pollution sur le système immunitaire.
3️⃣ Origine des maladies : décrypter les mécanismes des pathologies non transmissibles
L’institut souhaite approfondir la compréhension des maladies inflammatoires chroniques, des cancers et des troubles neurodégénératifs. L’objectif est de mieux cerner les liens entre infections et maladies complexes, mais aussi d’explorer les réponses immunitaires spécifiques à ces pathologies.
Des efforts particuliers seront consacrés à l’étude des interactions entre le microbiote, l’immunité et l’inflammation, ainsi qu’au rôle du système nerveux dans la régulation des pathologies chroniques.
4️⃣ Santé et vieillissement : explorer les âges extrêmes de la vie
Le vieillissement de la population mondiale soulève des défis médicaux majeurs, notamment en matière de réponse immunitaire, d’efficacité vaccinale et de maladies neurodégénératives. L’Institut Pasteur s’intéresse également au développement précoce, notamment aux interactions mère-enfant qui influencent la santé à long terme.
L’ambition est de développer des approches thérapeutiques adaptées à ces populations vulnérables et de mieux comprendre l’impact du vieillissement sur l’efficacité des traitements.
Un institut tourné vers l’avenir et les nouvelles technologies
L’Institut Pasteur entend s’appuyer sur des technologies de pointe pour accélérer ses découvertes. L’intelligence artificielle,(IA), la biologie computationnelle et les approches quantitatives joueront un rôle clé dans l’analyse des données et l’identification de nouvelles pistes thérapeutiques. L’intégration de l’IA dans la recherche est déjà bien engagée, notamment pour l’analyse des images de microscope et la modélisation des épidémies. Le plan Pasteur 2030 prévoit d’étendre ces technologies à l’ensemble des programmes de recherche, en renforçant les collaborations interdisciplinaires.
L’institut s’engage également à moderniser ses infrastructures et à renforcer son attractivité pour les jeunes chercheurs. La formation des scientifiques de demain sera un axe stratégique, avec des programmes spécifiques dédiés aux jeunes talents et une ouverture accrue à l’international.
Un modèle économique à consolider pour garantir l’indépendance de la recherche :
Si l’Institut Pasteur bénéficie d’un fort soutien public et privé, l’évolution du modèle de financement constitue un enjeu central pour les années à venir. La diversification des sources de financement, notamment via des partenariats industriels et des fonds philanthropiques, est essentielle pour garantir la pérennité des recherches.
L’institut prévoit également de renforcer son engagement auprès du grand public en promouvant la science ouverte et en améliorant la diffusion des connaissances. La transparence et l’accessibilité de la recherche seront au cœur de cette démarche.
Vers un Institut Pasteur plus résilient et engagé dans la société :
À travers Pasteur 2030, l’institut ne se contente pas d’annoncer une feuille de route scientifique : il défend une vision de la science fondée sur l’excellence, l’ouverture et l’engagement sociétal. En renforçant ses capacités de recherche, en misant sur l’innovation technologique et en consolidant son rôle dans le débat public, l’Institut Pasteur ambitionne de rester une référence mondiale dans la lutte contre les maladies et la compréhension du vivant.
D’ici 2030, ces orientations stratégiques pourraient non seulement transformer la recherche biomédicale, mais aussi contribuer à améliorer la santé humaine à l’échelle mondiale.