Etude : nette amélioration du dépistage du cancer du sein grâce à l’IA (Nature)
Publié le mardi 28 janvier 2025 à 15h41
Cancero IA Prevention radiologie ImagerieDes chercheurs allemands ont mené la plus grande étude* au monde sur l’impact de l’intégration de l’IA dans le dépistage par mammographie du cancer du sein. Les résultats, publiés le 7 janvier dans Nature Medicine, mettent en évidence une amélioration du taux de détection du cancer du sein de 17,6% avec l’IA, sans augmenter le taux de faux positifs.
Une étude en vie réelle sur près de 500 000 femmes
Le recours à l’IA pour le dépistage du cancer du sein par mammographie a été évalué à plusieurs reprises. Des travaux ont déjà révélé que l’IA détecte 20 à 40 % des cancers d’intervalle qui peuvent être observés ou suspectés rétrospectivement lors de mammographies de dépistage antérieures, mais qui ont été manqués par les radiologues. Cependant, il existe peu d’études prospectives, en vie réelle. Le recours généralisé de l’IA dans les programmes de dépistage est donc freiné.
C’est pourquoi des chercheurs allemands de l’Université de Lübeck et de l’hôpital universitaire Schleswig-Holstein ont conduit une très large étude comparant les performances de la double lecture assistée par l’IA à la double lecture standard (sans IA) chez des femmes (50 à 69 ans) subissant un dépistage organisé par mammographie sur 12 sites en Allemagne. De juillet 2021 à février 2023, un total de 463 094 femmes ont été dépistées (260 739 avec le soutien de l’IA) par 119 radiologues. Il s’agit de la plus large étude au monde sur le sujet.
En temps normal, quatre mammographies sont réalisées pour chaque femme participante. Ces mammographies sont lues indépendamment par deux radiologues (parfois sous la supervision d’un troisième radiologue) et si au moins un radiologue juge le cas suspect, une conférence de consensus est organisée. Dans le cas où le caractère suspect persiste, la femme est orientée vers des évaluations diagnostiques plus approfondies. Autrement dit, le processus est long est chronophage.
Les résultats de l’étude PRAIM ont été publiés le 7 janvier dans la revue Nature Medicine.
Résultats : une détection améliorée sans plus de faux positifs
- 41,9 femmes sur 1 000 présentaient des résultats suspects et ont été rappelées pour une évaluation plus approfondie. Un quart d’entre elles a subi des biopsies et 6,2 pour 1 000 ont finalement reçu un diagnostic de cancer du sein. La plupart (79,4 %) des cancers étaient classés comme invasifs et 18,9 % étaient des carcinomes canalaires in situ.
- Le taux de détection du cancer du sein dans le groupe utilisant l’IA était de 6,7 pour 1 000 femmes, soit 17,6 % supérieur à celui du groupe témoin (5,7 pour 1 000).
- Le nombre de femmes invitées à faire un examen complémentaire après la mammographie dans le groupe IA était de 37,4 pour 1 000, légèrement inférieur à celui du groupe témoin (38,3 pour 1 000).
- La valeur prédictive positive, c’est-à-dire la probabilité que le rappel soit effectivement lié à un cancer du sein, était de 17,9 % dans le groupe IA, contre 14,9 % dans le groupe témoin.
- La probabilité qu’une biopsie menée après un rappel révèle un cancer était de 64,5 % avec l’IA contre 59,2 % sans IA.
Tous ces résultats suggèrent que l’IA aide à détecter plus de cancers. Cette amélioration ne s’accompagne pas d’une augmentation significative du nombre de rappels. Et n’entraîne donc pas un excès de faux positifs. Les auteurs de l’étude en concluent donc que « les rappels effectués avec l’IA sont légèrement plus fiables. »
Un gain de temps pour les radiologues
En outre, cette étude indique que l’automatisation du tri des examens par l’IA se traduit par un gain de temps pour les radiologues, sans perte d’efficacité. En effet, si tous les cas que l’IA qualifie de normaux n’étaient plus diagnostiqués par des humains, le taux de détection du cancer du sein serait encore 16,7 % plus élevé. Le gain de temps provient bien sûr de la réduction du nombre d’examens à lire et des discussions entre radiologues. Cela permet de libérer du temps pour les cas plus complexes et rendre le processus global plus efficace. Les chercheurs estiment donc que « des efforts urgents devraient être déployés pour intégrer la mammographie assistée par l’IA dans les directives de dépistage et pour promouvoir l’adoption généralisée de l’IA dans les programmes de dépistage par mammographie. »
*Nationwide real-world implementation of AI for cancer detection in population-based mammography screening.
Eisemann, N., Bunk, S., Mukama, T. et al.
Nat Med (2025). https://doi.org/10.1038/s41591-024-03408-6