Autonomie : l’IA est un soutien intelligent pour les aidants dont l’utilisation reste pour le moment embryonnaire dans les SSIAD (livre blanc)
Publié le mercredi 01 octobre 2025 à 16h19
IA GEN AI Autonomie« L'IA ne doit pas remplacer la relation humaine dans les soins, mais en devenir le levier, à condition de respecter la singularité de chacun et de s’ancrer dans une éthique du domicile » : c'est par ces mots que M-A. Montchamp, DG de l'Ocirp, a introduit le deuxième tome du livre blanc "IA et SSIAD" publié par Arche MC2, qui explore un déploiement éthique de l'IA dans les soins à domicile.
Une intelligence artificielle au service des aidants familiaux
Le livre blanc, écrit de concert par des contributeurs venant de L’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp), Minaia et l’Union nationale des associations et services de soins infirmiers (Unassi) souligne le potentiel de l’IA pour alléger la charge qui pèse sur les proches aidants, en leur offrant des outils concrets d’accompagnement au quotidien. L’IA peut, par exemple, anticiper les évolutions de l’état de santé de la personne âgée grâce à des systèmes d’alerte prédictive, proposer des mesures de prévention personnalisées, ou encore faciliter la communication avec les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge. Ces fonctionnalités s’appuient sur des dispositifs connectés, comme des capteurs de mouvements, des objets portables, et des environnements intelligent, ou sur des applications mobiles conçues pour centraliser et structurer les informations utiles. En apportant une information fiable et actualisée en temps réel, ces outils permettent aux aidants de mieux comprendre les besoins de leur proche, de réagir plus rapidement en cas de problème, et de se sentir moins isolés dans leur rôle. L’objectif n’est pas de remplacer la vigilance humaine, mais de la renforcer par une couche d’intelligence numérique, capable de détecter des signaux faibles ou de coordonner les interventions.
Mais cette promesse repose sur des conditions essentielles : la fiabilité des données collectées, la contextualisation des recommandations, et le respect strict de la vie privée des personnes concernées. Sans cela, l’IA risque de générer plus de défiance que de soulagement.
Un soutien intelligent pour alléger la charge cognitive des soignants :
Pour les professionnels intervenant au sein des Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), le livre blanc met en lumière le rôle croissant que peut jouer l’intelligence artificielle dans l’optimisation des organisations de soins. Loin d’une substitution du geste soignant, l’IA s’inscrit ici comme un outil de délestage cognitif, capable de prendre en charge certaines tâches complexes, répétitives ou à faible valeur clinique.
Parmi les usages identifiés, plusieurs solutions sont déjà expérimentées ou en cours de développement : algorithmes de planification dynamique des tournées, modèles prédictifs des besoins en soins selon les profils cliniques, détection automatisée des signaux faibles de décompensation, ou encore génération automatique de comptes rendus de visite. En centralisant les données issues du terrain, l’IA peut aussi anticiper des ruptures de parcours, réduire les erreurs d’organisation, ou fluidifier la coordination interdisciplinaire.
L’impact est double : un gain de temps sur les tâches administratives et une meilleure capacité d’anticipation face à des situations cliniques complexes, dans un contexte marqué par la pénurie de soignants et la montée en charge des besoins. L’IA devient ainsi un assistant numérique augmenté, qui n’enlève rien à l’humain, mais redonne du temps et de la clarté à celles et ceux qui prennent soin.
L’IA comme soutien, non comme instrument de contrôle
Le livre blanc appelle à une vigilance éthique face à l’enthousiasme suscité par les technologies d’IA. Il met en garde contre toute dérive “technosolutionniste”, où l’IA deviendrait un outil de surveillance, voire de normalisation des comportements, au détriment de la relation humaine. Dans le champ de la dépendance, l’acceptabilité des outils repose d’abord sur une promesse de soutien, et non de contrôle, que ce soit à l’égard des personnes âgées elles-mêmes ou des aidants qui les accompagnent. Trois conditions sont posées comme socle de légitimité : l’utilité concrète perçue par les utilisateurs, la transparence des algorithmes dans leurs mécanismes de décision ou de recommandation, et le respect du consentement éclairé, à toutes les étapes de la chaîne de valeur.
C’est pourquoi le livre blanc insiste sur la nécessité d’une co-conception impliquant les professionnels et les familles. Leur expérience de terrain est essentielle pour orienter le développement des technologies vers des usages réellement pertinents, respectueux des sensibilités et des situations vécues. L’intelligence artificielle ne doit pas imposer une norme, mais s’adapter à la diversité des besoins, dans une logique d’assistance bienveillante et d’autonomie préservée.
Une adoption qui reste marginale, freinée par les réalités de terrain :
Le livre blanc souligne que l’usage de l’IA dans les SSIAD reste à un stade embryonnaire. Les solutions restent majoritairement cantonnées à des projets pilotes ou des expérimentations locales. Plusieurs obstacles structurels limitent encore leur diffusion à grande échelle : des coûts d’acquisition et de maintenance élevés, des difficultés d’intégration aux systèmes d’information existants, une faible interopérabilité entre outils, ou encore la fracture numérique qui touche certains aidants, notamment les plus âgés ou les moins familiarisés avec les technologies.
À ces freins techniques et économiques s’ajoute un cadre de déploiement encore flou, notamment sur les plans éthique et juridique. L’absence de référentiels clairs ou de dispositifs d’accompagnement dédiés crée un climat d’incertitude, qui ralentit l’engagement des acteurs de terrain. Pourtant, les retours d’expérience recueillis dans le livre blanc montrent que, lorsqu’elles sont bien conçues et accompagnées, les solutions d’IA peuvent s’intégrer de façon pertinente aux pratiques existantes, en respectant les valeurs du soin à domicile. Le défi n’est donc pas seulement technologique, mais aussi organisationnel et humain : créer les conditions d’un passage à l’échelle sans dénaturer l’accompagnement personnalisé qui fait l’essence des SSIAD.