Données : 6 000 à 8 000 maladies rares, 5 ans d’errance diagnostique, 4 000 patients pour le projet InDiCE (JDS AP-HP 2025)
Publié le lundi 17 novembre 2025 à 14h15
Gouvernance IA Maladies raresLes données de génomique accélèrent la prise en charge des maladies rares à l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP). Près de 8 000 maladies recensées, un diagnostic difficile et une “errance” moyenne de 5 ans : Pr Anita Burgun et Alban Lermine détaillent les apports concrets de la Banque nationale de données maladies rares (BNDMR) et des nouveaux outils de séquençage.
A retenir :
- Nombre de maladies rares en France : entre 6 000 et 8 000 ;
- Durée moyenne d’errance diagnostique : 5 ans ;
- Moins d’une personne sur 2 000 est concernée par chaque maladie rare ;
- Le coût du séquençage génomique a chuté de manière exponentielle en 20 ans ;
- Projet INDICE : clustering et phénotypage sur 4 000 patients ;
- Consentement et confidentialité : suivi continu par comité éthique.
La conférence s’est tenue dans le cadre de la Journée de la donnée de santé de l’AP-HP, édition 2025, réunissant experts et professionnels autour des enjeux et usages des données pour l’appui au soin, le pilotage, la recherche et l’innovation.
L’objectif était de présenter les avancées et utilisations concrètes des données de génomique dans la prise en charge et la recherche sur les maladies rares, en mobilisant le plan national Maladies rares, la Banque nationale de données maladies rares (BNDMR), et les centres experts et filières de santé spécialisées.
Les intervenants principaux : Pr Anita Burgun et Alban Lermine, tous deux spécialisés en traitement et génétique à l’Assistance Publique—Hôpitaux de Paris (AP-HP).
3 Mds de bases impliquées dans le séquençage du génome
Alabn Lermine commence par expliquer que le séquençage du génome entier (près de 3 milliards de bases) et l’utilisation de panels de gènes s’ancrent dans la routine diagnostique. Les coûts du séquençage ont fortement baissé permettant une extension des analyses. Ces données nécessitent une interprétation perpétuelle, avec la réouverture de dossiers en cas d’actualisation des bases de connaissances génétiques.
Un point majeur s’est détaché de la présentation : celui de l’interprétation perpétuelle des données génétiques. Comme l’a illustré Alban Lermine, le patient peut être séquencé une seule fois, mais l’information génétique collectée est conservée et réinterrogée régulièrement à mesure que les connaissances et les bases de données internationales évoluent. Les intervenants ont souligné qu’avec chaque mise à jour des bases de connaissances, une extraction ciblée du registre de patients permet d’alerter le biologiste concerné et de rouvrir le dossier afin d’apporter un diagnostic ou un éclairage nouveau. L’exemple donné sur la déficience intellectuelle est particulièrement révélateur : la publication récente d’un bug sur une série de gènes a permis, dès le lendemain, d’identifier parmi 66 patients ceux pour lesquels cette nouvelle donnée pouvait enfin résoudre l’errance diagnostique.
4000 patients dans le projet InDiCE
Le projet InDiCE incarne la mise en œuvre concrète de ces principes et la volonté méthodologique de l’AP-HP. Axé sur la déficience intellectuelle, il vise à rassembler et exploiter de façon globale les données génomiques et cliniques de quelque 4 000 patients. Le phénotypage multimodal, permis par l’intégration des dossiers cliniques structurés et des comptes rendus textuels, favorise le clustering et l’identification de cohorte à forte valeur ajoutée.
L’un des objectifs centraux du projet est de dépasser les limites actuelles en découvrant de nouveaux variants et en améliorant la compréhension des mécanismes sous-jacents à la pathologie, tout en affinant l’impact des signes cliniques sur la caractérisation des patients.
La généralisation de cette approche à toutes les pathologies rares est un horizon assumé par les porteurs de projet, avec la mobilisation d’un écosystème institutionnel d’une ampleur inédite : filières maladies rares, équipe collégiale de généticiens, hôpitaux Necker, Pitié-Salpêtrière, Robert Debré, et l’Institut Imagine, tous sont associés à l’effort structurant, dans une dynamique de collaboration et de validation éthique centralisée.
Gouvernance, sécurité et éthique
« On va sélectionner uniquement les patients pour lesquels on a un consentement explicite pour la réutilisation des données en recherche… »
Au fil des échanges, les questions de sécurité, de consentement et de gouvernance des données ont été fortement mises en exergue. Les intervenants reconnaissent la sensibilité extrême des données manipulées : le consentement explicite du patient est obligatoire pour la réutilisation en recherche, la protection institutionnelle via la DSN est active et le comité scientifique et éthique supervise chaque étape du flux de données. La prudence quant à l’interprétation, notamment dans l’utilisation des nouveaux scores polygéniques et du reclassement des variants de signification incertaine, est sans cesse rappelée.
Un système de santé apprenant
« On est en train de mettre en place un système de santé apprenant : on va découvrir et valider de nouvelles connaissances à partir de nos propres données. »
La conférence a également ouvert une réflexion sur l’ambition de l’AP-HP en matière d’innovation organisationnelle. Selon les propos des intervenants, l’établissement est en mesure de déployer un « système de santé apprenant », capable d’exploiter la masse de données disponible pour générer de nouvelles connaissances, mais aussi pour adapter en continu ses pratiques cliniques et de recherche. Cette dynamique, qui conjugue rigueur scientifique, sens de la sécurité et vision collective, apparaît comme un levier pour transformer le soin et accélérer la recherche dans le domaine des maladies rares. Elle invite à capitaliser sur l’intelligence institutionnelle, l’innovation méthodologique et l’ouverture éthique, pour garantir progrès médical et confiance des patients.